Débat lancé dans le Bulletin n° 103 de mai 2023 :
La compétition peut-elle jouer un rôle plus ou moins important dans la visibilité et la réputation de notre style et à quels niveaux ?
Peut-elle être l'attracteur d'un public plus jeune vers notre discipline ?
Qu'en pensez-vous ?
Merci Alix pour cette réaction et pour cette rédaction de proposition de charte. La démarche à suivre est maintenant de créer une commission qui réfléchira sur cette base. Je vais donc sur un autre post appeler à candidater pour faire partie de cette commission. J'espère que nous pourrons avoir une commission constituée dans un délai raisonnable et qui puisse ensuite être très vite mandatée par le CA comme c'est la règle. Je ne suis pas sûr que ses travaux soient prêts pour la prochaine AG, compte tenu de l'été qui est très proche. Mais on verra bien.
Je voudrais juste réagir par rapport à ta phrase sur l'opacité de l'activité du comité de lecture. Le fonctionnement du comité de lecture a été explicité dans mon mot du Bulletin 101 en même temps que j'y lançais un appel à en faire partie. Sans succès.
LA COMPETITION DE TUISHOU : POUR OU CONTRE ?
Bulletin de l’Amicale YMTJQ n° 103
Contribution de Lionel DESCAMPS, des Compagnons du TJQ d’Angers,
Le 22 mai 2023
Je réagis à l’article paru dans le dernier bulletin de l’Amicale, concernant la compétition de tuishou.
Le titre, « la compétition de tuishou pour ou contre ? », a peu de sens. Il s’agit d’un choix personnel, à chacun d’entre nous de choisir.
D’autres questions, plus opérationnelles, pourraient être mis en débat :
· Avantages et inconvénients de la compétition
· Doit-on en parler dans le bulletin de l’Amicale ?
· Doit-on en organiser au sein de notre style ?
· Doit-on enseigner ses spécificités à nos élèves, quand on est enseignant ?
· Doit-on inciter, enseigner et entrainer les élèves à la compétition ?
La compétition, fait-elle partie de notre style Yangjia Michuan ?
La compétition tuishou existe. Certains pratiquants de notre style la pratiquent. Personnellement je ne fais pas de compétition, je ne l’enseigne pas, et je n’incite pas mes élèves à le faire. Je n’en ai pas les compétences. Mais je peux comprendre que certaines associations le fassent, et même organisent elles-mêmes des compétitions.
Il faut quand même se souvenir qu’à une certaine époque maitre Wang a pratiqué, enseigné, et incité ses élèves à la compétition de tuishou, ce qui est quand même important.
Faut-il en parler dans le bulletin de l’Amicale ?
En ce qui concerne la parution d’articles dans le bulletin de l’Amicale sur le sujet, au-delà du fait que cela m’intéresse, je vois mal la mise en place d’une forme de censure sur la dimension compétition. Je pense qu’il faut une diversité des types d’articles pour que chaque lecteur y trouve son compte.
Je peux comprendre que si un texte porte atteinte à l’intégrité morale d’une personne physique ou morale, ou s’il fait l’apologie de la haine, de la discrimination ou de la violence, qu’il ne soit pas publié.
Je peux comprendre qu’un texte qui ne concerne pas le Taiji Quan ou le Yangjia Michuan Taiji Quan ne paraisse pas dans notre bulletin.
Je peux comprendre que la compétition de Tuishou ne soit pas appréciée par tout le monde, mais il intéresse un public, non pas nécessairement pour le pratiquer, mais pour connaitre une autre dimension de notre pratique au sein du Yangjia Michuan Taiji Quan et en tirer éventuellement des enseignements.
Ici les articles dans le domaine de la compétition de tuishou concerneraient le taiji Quan, et plus précisément le Yangjia Michuan Taiji Quan quand certains de nos pratiquants y participent. S’ils ne font l’apologie d’aucune discrimination ou violence ils doivent paraitre au même titre que les autres articles concernant le Taiji Quan et le Yangjia Michuan Taiji Quan.
Hors de ces situations (haine, violence, discrimination), il me semble que le comité de lecture, ou nous autres lecteurs, n’avons pas à être d’accord ou non avec les textes des articles que nous soumettent les auteurs. Ils n’engagent qu’eux-mêmes. Le comité de lecture à le rôle important de diffuser les idées, toutes les idées concernant le Taiji Quan et le Yangjia Michuan Taiji Quan pour avoir la plus grande richesse, sans pour autant devenir les gardiens de l’orthodoxie. Je sais pertinemment que les articles avec lesquels je ne suis pas d’accord m’apportent une grande richesse, notamment en me forçant à éclaircir mes propres idées.
D’ailleurs par le passé des articles sur la compétition de tuishou sont déjà parus dans le bulletin de l’Amicale, si je me souviens bien, dans des bulletins avant la covid, notamment : « Sur le chemin en tuishou » de Christophe LEPHAY, ou « Retour d’expérience sur le championnat de France de Tuishou » par Quentin VESTUR.
Quels sont les avantages et inconvénients de la compétition ?
En ce qui concerne les avantages et inconvénients de la compétition, je n’ai jamais pratiqué de compétitions de tuishou et je ne parle donc que de ma représentation restreinte de la discipline. Tant qu’on n’a pas fait de compétition ont ne peut avoir qu’une vision extérieure et superficielle. En revanche j’ai fait pas mal de compétitions de judo et je pense pouvoir faire un rapprochement intéressant.
Je reprendrai aussi les arguments de l’article en les commentant.
Les inconvénients cités dans l’article concernent : les risques pour la santé, l’aspect dominant-dominé, l’image de violence, et la simplicité des techniques affichées
En ce qui concerne les risques pour la santé ce n’est pas une spécificité de la compétition, mais beaucoup plus de la façon personnelle de l’aborder. On n’est pas obligé de prendre des risques insensés. Je n’ai jamais eu de blessure grave en compétition de judo. Je n’ai pas non plus été un champion, mais ce n’était pas non plus ce que je cherchais. On peut tout à fait se blesser sérieusement en ne faisant que la forme, lorsqu’on répète des centaines de fois un mouvement ou une séquence en ne prenant pas soin de son corps, par exemple lorsque :
· Le genou de la jambe arrière, qui supporte le poids et l’appui, rentre vers l’intérieur lors des transformations.
· La colonne vertébrale est tordue ou trop cambrée.
· On est sur un pied instable et que l’on fait une rotation dans les 2ème et 3ème séq.
· On descend plus bas que ce que notre tonicité et notre souplesse nous permettent.
On connait tous autour de nous des pratiquants ne faisant pas de compétition et étant blessés ou ayant des douleurs. Je ne nie pas que la compétition est un peu plus risquée car elle se pratique sous la pression de l’autre, mais on peut limiter les risques en faisant attention à notre pratique, comme on fait attention à nos genoux, nos chevilles, et notre dos, lorsqu’on pratique la forme.
Il est étonnant que des gens soient surpris de l’aspect dominant dominé ou de l’image de violence. On t’ils oublié que le Taiji Quan est un art martial. Et même si dans notre pratique en club, on parle plus de partenaires que d’adversaires c’est quand même en filagramme de la plupart de nos actions.
En ce qui concerne le nombre limité de techniques mises en œuvre en compétition de tuishou, il est dû principalement aux règles qui limitent l’usage de la violence. Mais ce n’est pas propre à la compétition mais essentiellement propre au tuishou (absence de frappes, de clés, …).
Les avantages cités dans l’article font exclusivement référence à la notion de vitrine, de visibilité, ou de réputation d’une école, en vue d’attirer de jeunes pratiquants. Cela est probablement vrai. Cela rejoint le groupe de travail, initié par Claudy, qui développe l’enseignement plus « tonique » des applications martiales.
Il y a d’autres avantages à la compétition, notamment pour celui qui pratique. En effet la compétition permet de confronter nos acquis et les spécificités de notre style en situation plus « réelles » (il y a quand même des règles limitantes pour des problèmes de sécurité) que lors des pratiques de tuishou libre en association, qui ont une vocation plus pédagogique.
La compétition a de plus une dimension ludique importante, qui la rend attrayante.
Une autre dimension, qui intéresse certains pratiquants c’est le dépassement de soi. Je ne suis pas personnellement tellement sensible à cet argument, je ne trouve pas ça très Taiji, mais pour certains c’est important.
La compétition demande de la tonicité, et je suis un peu trop âgé pour m’y mettre, et je pense que j’aurais tenté le coup si j’avais eu quarante ans de moins.
Personne n’est obligé ne faire de la compétition, mais elle fait partie des pratiques actuelles et il est important que nous puissions au moins savoir ce qui s’y passe, et définir comment éventuellement l’utiliser pour notre perfectionnement, il s’agit d’un outil supplémentaire. Même si on ne pratique pas la compétition de tuishou, il peut être intéressant d’en étudier les vidéos ou travailler avec les pratiquants afin d’en tirer des leçons sur ce qui peut se faire ou bien ce qui n’est pas souhaitable de faire.
En ce qui me concerne, je vois deux questions importantes autour de la compétition. L'aspect "La compétition peut-elle jouer un rôle dans la visibilité et la réputation de notre style" et là, j'aurais tendance à répondre (pour faire court) "OUI, évidemment, dans notre monde focalisé sur la compétition, ça ne peut que donner de la visibilité" ;
et l'aspect "La compétition est-elle un bon moyen de développement des valeurs et des comportements ?". Là, je ne le crois pas du tout. Je pense même que l'obsession compétitive de notre société est l'une de ses tares les plus graves et que la compétition réglementée est une école pour forger son esprit à cette envie de gagner à tout prix au détriment de la solidarité et de la collaboration (de véritable collaboration, pas d'association temporaire résultant d'intérêts convergeant).
Alors pour ou contre la compète en YMTJQ ?
Ça m'est égal. Je n'en ferai pas. Mais je ne souhaite pas empêcher ceux qui veulent en faire d'en faire. J'espère simplement qu'ils sont bien attentifs à leurs motivations profondes et aux modifications que cela peut apporter à leur personnalité.
My 2 pence
Il faut bien une première plume qui s'y lance.
Tout d'abord le titre. C'est vite réglé, c'est un peu comme si on me demandait : "Pour ou contre les anchois dans la pizza ?". Je ne peux que répondre : "C'est affaire de goût." et la sagesse populaire ajoute : "Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas."
Répondre aux questions est plus long.
La compétition peut-elle jouer un rôle plus ou moins important dans la visibilité et la réputation de notre style et à quels niveaux ?
Très certainement, la participation victorieuse à une compétition contribue à la visibilité et la réputation d'un style auprès de la structure fédérale qui organise cette compétition. Mais il y a d'autres facteurs de visibilité et de réputation : implication dans les structures fédératives, les différents jurys et comités techniques, les événements organisés ; nombre de licenciés et d'enseignants diplômés ; qualité de la pratique des postulants aux différents diplômes ; … Je n'ai pas d'éléments pour pondérer l'importance relative de ces différents facteurs, il faudrait l'avis de personnes impliquées dans ces structures fédératives. Mais il reste qu'aucun des facteurs de réputation auprès d'une fédération délégataire* ne peut être négligé en France, vu le rôle et le pouvoir qui leur sont attribués par les pouvoirs publics. Cette configuration ne me semble pas générale. L'avis des pratiquants d'autres pays est sollicité ici.
Auprès des pratiquants d'autres styles, je pense que l'impact est beaucoup plus restreint, probablement limité à ceux qui ont goût à la compétition, c'est à dire une (très petite ?) minorité de la population actuelle des pratiquants, me semble-t-il, en partie, mais pas seulement, à cause de sa démographie. Les turbulences et les débats qui ont agité la FFaemc** il y a quelques années, avant la scission entre les tenants de la compétition, partis à la fédération de karaté, et ceux qui sont restés, témoignent de conceptions difficilement compatibles au milieu des enjeux de pouvoir et de répartition des moyens. La réattribution de la délégation à la Faemc et le retour du second F dans son acronyme la contraignent à organiser à nouveau la compétition. Il reste à voir si le processus de division ne se reproduira pas à mesure qu'une élite sportive se reconstituera.
Enfin, auprès du grand public non-pratiquant, l'impact me semble totalement nul, non seulement parce que ces compétitions ne sont pas retransmises à la télévision et n'ont de chances de l'être un jour que si le taiji quan devient sport olympique, mais aussi parce que je crois très peu probable qu'un commentateur sportif mentionne jamais le style d'origine des compétiteurs, l'exemple du karaté combat étant très probant. A part pour les matches de football, la presse générale donne peu de place aux résultats sportifs tant que le niveau international n'est pas atteint. Il reste la presse spécialisée comme L'Equipe.
Je retiens pourtant l'impact d'un titre de champion sur une carte de visite d'enseignant professionnel.
Peut-elle être l'attracteur d'un public plus jeune vers notre discipline ?
Me basant sur l'exemple du judo, j'ai un doute à ce sujet. Des générations d'enfants, amenés dans les dojos par leurs parents pour des motivations très diverses, se sont retrouvés devant des enseignants, souvent des compétiteurs recyclés, missionnés pour détecter et former les prochains champions olympiques. A l'origine conçu par son fondateur comme un formidable outil éducatif, sa mutation progressive en sport olympique en a fait un des sports générant le plus d'abandons en cours de route. Nous ne sommes pour le moment pas du tout dans le même cas, les cours de taiji quan pour enfants étant rarissimes, mais le piège peut fonctionner à tous les âges.
Est-ce que des jeunes adultes pourraient être attirés vers le taiji quan via la compétition de tui shou ? J'ai un doute aussi. Je ne crois pas qu'on commence à pratiquer une activité physique quelconque par goût de la compétition. On commence à pratiquer parce que la discipline plaît pour des raisons diverses. La compétition peut venir ensuite si on y a goût. J'ai donc plutôt l'impression que de jeunes adultes pourraient être attirés vers le taiji quan par la pratique du tui shou, voire par une version boxe éducative du taiji quan, comme enseignée par William C.C. Chen ou d'autres. Une partie d'entre eux auront alors le goût de la compétition et tenteront d'y briller. Lesquels formeront les générations suivantes de pratiquants et d'enseignants ? Quel taiji quan sera alors pratiqué ? L'exemple des effets de la compétition de judo mérite d'être médité.
* En France, seule la fédération délégataire d'un sport peut insérer la mention "Français·e" dans son intitulé. La délégation concerne l'organisation de la délivrance des diplômes d'enseignants (et le plus souvent celle de la formation afférente) ainsi que l'organisation des compétitions. Aucune fédération concurrente ne peut attribuer de diplôme d'enseignant·e reconnu par l'Etat ou de titre de "Champion·ne de France".
** Fédération Française des Arts Energétiques et Martiaux Chinois.